Cours: Valérie MONTAGNIER

Les Champs de la Sociologie

 

I- Les méthodes sociologiques

Comment étudier la société? L'étude des phénomènes sociaux se fait par le biais d'un certain nombre d'outils qui permettent au sociologue d'appréhender des phénomènes dont l'échelle dépasse ses possibilités de perception individuelle, mais aussi de limiter les inductions qu'il fait au cours de son travail. Parmi ces outils ont peut trouver :

Le questionnaire

L'observation

L'entretien

L'analyse de contenu

L'analyse statistique

L' analyse en groupe

Le sociologue est avant tout un être humain avec, entre autre, des sensations, des impressions et des opinions. Pour s'affranchir de cet état lors d'une recherche, l'application de méthodes reconnues par ses pairs permet au chercheur de légitimer son approche d'un phénomène social. Quoi observer ? Pourquoi ? Telles peuvent être les premières questions d'un chercheur sur l'objet de sa recherche. Généralement, les méthodes sociologiques se scindent en deux catégories complémentaires: les méthodes quantitatives et les méthodes qualitatives.

II- A la recherche des causes

A- Expliquer un phénomène social

Le sociologue doit décrire des faits, les mesurer ou les classifier et doit s'attacher également à les expliquer. Quels sont, par exemple, les facteurs qui favorisent la délinquance? L'urbanisation est-elle associée à la solitude croissante? Voilà autant de questions qui relèvent de l'étude de la causalité.

[ II existe plusieurs démarches pour expliquer un phénomène social. Supposons que l'on veuille expliquer un conflit (social, guerrier…) diverses façons d'aborder le phénomène sont possibles:

4 On s'intéresse soit à ses facteurs extérieurs: Quelles sont les raisons économiques, politiques, etc., du conflit?

4 Soit aux mobiles des personnes: Pourquoi agissent-elles de cette façon?

4 Soit à ses fonctions sociales: A qui ou à quoi cela sert-il? Quels sont ses effets?

4 Soit encore à sa structure profonde : Existe-t-il une logique interne des conflits?

4 Soit encore à sa dynamique interne: Comment évolue ce conflit?

Toutes ces façons d'envisager le problème conduisent à autant de modes de raisonnement sociolo­giques différents.

B- Les différentes démarches

1/ La démarche "causale"

Elle rend compte d'un fait social (par exemple la réussite scolaire) par sa mise en relation avec un autre fait social (par exemple, le milieu d'appar­tenance des parents). Cette démarche s'apparente à celle de la recherche épidémiologique en médecine. Elle vise à isoler des facteurs liés à un phénomène donné.

C'est la méthode adoptée par Emile Durkheim dans " Le Suicide". Pour essayer de comprendre quels fac­teurs sociaux sont liés au suicide, il recherche des rela­tions statistiques existant entre la fréquence des suicides et la solitude sociale, la religion d'appartenance, l'acti­vité professionnelle, etc. II met ainsi en évidence le fait que le suicide est plus fréquent chez les protestants que chez les catholiques, chez les célibataires que chez les personnes vivant en famille. Dès lors, il peut proposer l'explication suivante le degré d'intégration de l'indi­vidu au sein d'une communauté détermine directement la propension au suicide.

2/ La démarche "compréhensive"

Elle adopte un autre point de vue: il s'agit d'expliquer un phénomène (événement politique, choix de consommation, etc.) à partir des intentions et des mobiles des acteurs impliqués.

C'est la démarche proposée par M. Weber dans " L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme". Le sociologue montre comment les valeurs calvinistes (protestant réformé) adoptées par les protestants à partir du XVIIe siècle - et qui valorisaient le travail, l'accumulation, la saine gestion des biens, etc. - ont favorisé l'accumulation capitaliste. L'explication d'un phénomène social fait ici appel aux choix et aux motifs conscients des acteurs concernés.

3/ La démarche "fonctionnaliste"

Elle consiste à trouver la fonction qu'assure un phénomène au sein d'un système donné. Les rites religieux sont interprétés par B. Malinowski comme des dispositifs d'intégration sociale. L'existence de la famille repose, selon T. Parsons (1902-1979), sur les fonctions économiques et éduca­tives qu'elle assure.

Chaque phénomène social peut s'expliquer de la sorte par la réponse à un besoin au sein d'un système. Parfois, ces fonctions peuvent être "implicites": une cérémonie d'anniversaire a pour fonction explicite de célébrer une personne; elle contri­bue de façon implicite à renforcer la cohésion.

4/ La démarche structurale (ou structuraliste)

Cette démarche apporte un autre éclairage: elle recherche les structures ou "formes" qui donnent à un phénomène une configuration parti­culière.

Ainsi, lorsque G. Samuel dégage les traits carac­téristiques d'une secte, M. Weber décrit la morphologie d'une ville du Moyen Age, l'Ecole de Chicago celle des villes américaines ; il s'agit dans tous les cas de mettre au jour une sorte de grammaire cachée des relations sociales. L'approche systémique , qui montre les inter­dépendances entre phénomènes sociaux et décrit des configurations globales (logique d'organisation), est proche de l'analyse structurale.

5/ La démarche dialectique

Et enfin la démarche dialectique explique un phénomène dans le cadre d'une dynamique où s'opposent des forces contradictoires.

Il n'existe pas une mais plusieurs démarches pour expliquer un phénomène social. Cette multiplicité de démarches peut dérouter. Chacun de ces "modes d'intelligibilité" renvoie à une question différente: d'où cela vient-il? (recherche des causes) ; pourquoi le fait-on? (analyse des mobiles) ; à quoi cela sert-il? (étude des fonctions) comment est-ce organisé? (recherche des structures); quelles sont les contradictions internes? (analyse dialectique).

Ces questions sont différentes et appellent donc des types d'exploration particuliers.

III- La pluralité des modèles

A- Les débuts de la sociologie

Historiquement, l'apparition de la sociologie est contem­poraine de la révolution industrielle. Ses concepts ma­jeurs, ses thèmes privilégiés d'étude ont été profondé­ment marqués par ce bouleversement social qui a affecté toutes les sphères de la société au XIXe siècle.

4 La première révolution industrielle s'est traduite par une révolution technologique (chemin de fer, machine à vapeur, charbon...), une expansion du capitalisme industriel et marchand (manufactures et industries), un essor des nouvelles classes sociales (bourgeoisie, prolé­tariat et petite bourgeoisie).

4 L'urbanisation débute par un exode rural massif qui conduit des millions de paysans à quitter la terre pour s'installer en ville.

4 Les bouleversements politiques s'expriment par des révolutions (en France en 1789, 1830, 1848), par le mouvement des nationalités en Europe, par le déclin du pouvoir aristocratique et l'avènement des mouvements démocratiques, libéraux et républicains.

4 Des mutations culturelles accompagnent les transformations précé­dentes: déclin des valeurs traditionnelles (esprit com­munautaire et hiérarchique) et développement des valeurs individualistes et égalitaires; reflux des croyances religieuses et essor de l'esprit scientifique et laïque.

[ Un ordre social traditionnel et relativement stable s'ef­fondre et de nouvelles formes sociales émergent. La sociologie est fille de la modernité et ses pères fonda­teurs, s'assignent une même tâche dessiner les contours de la société nouvelle en train de naître sous leurs yeux.

B- Les pères fondateurs de la sociologie

[ La génération des précurseurs est ancrée dans le XIXe siè­cle. Auguste Comte, Alexis de Tocqueville, Karl Marx et Herbert Spencer en sont les figures marquantes. Ils ne se définissent pas encore comme des sociologues, mais leurs approches de la société ont, chacune à leur manière, profondément inspiré la discipline.

[ La génération des fondateurs est située à la charnière du XIXe siècle et du XXe siècle. Max Weber, Emile Durk­heim, les créateurs de I'Ecole de Chicago aux Etats-Unis en sont les principales figures. Ce sont eux qui vont constituer la sociologie comme discipline autonome, définir son champ, ses méthodes, son assise institution­nelle (en créant les premières revues, chaires d'univer­sité, etc.).

IV- Une discipline en crise

La sociologie contemporaine a, pour beaucoup, limité ses ambitions : elle se limite à l'étude des organisations humaines et institutions sociales, en utilisant principalement une méthode comparative ; elle s'est concentrée sur l'étude de l'organisation des sociétés industrielles complexes, c'est-à-dire des sociétés occidentales.

Ce recentrage a laissé le domaine de l'étude des comportements de groupe à la psychologie sociale , (ainsi que la division du travail à la psychologie du travail). Alors que l' anthropologie , née des conquêtes coloniales et de l'étude des peuples qu'elle appellera trop longtemps primitifs, recherche des traces de l'évolution de l'homme (comme espèce dans le cas de l' anthropologie physique et de l'évolution des sociétés dans celui de l' anthropologie sociale ).

Néanmoins, il faut noter que certains anthropologues ont aussi mené leurs études dans les sociétés industrialisées. Aujourd'hui, la sociologie et l'anthropologie se différencient plus par leurs méthodes et leurs théories, que par l'objet de leurs études.

 

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